Colloque de Charleroi

Novembre 1997

 

Le bon déroulement d'un rassemblement commence par le cadre dans lequel on travaille. Jacques Dandois et son équipe avaient tout mis en oeuvre pour que les conditions matérielles de notre rencontre soient réunies. L'établissement tout neuf et la disponibilité des personnes ont été très appréciés. Un grand merci à nos amis belges.

 

Cinquante participants de trois nationalités représentaient vingt-cinq établissements. Le français qui était la langue commune avait cependant des accents variés qui participaient déjà de l'interculturel. Nous avons tout particulièrement apprécié la présence de Chris Shannon, venu du Canada, où deux établissements situés dans la partie anglophone adhèrent à l’UCAPE. Merci également à nos trois intervenants : le Père Gilbert Caffin, Mme Simone Barthel et M. Maurice Corbin.

 

Intervention du Père Gilbert Caffin

Représentant de l'enseignement catholique au Conseil de l'Europe, Président européen des ONG de l’éducation.

 

Les nouveaux défis européens de l'éducation :

L’irruption de la grande Europe au Conseil de l'Europe et l'élargissement de l'Union européenne par étapes - conséquences pour les politiques éducatives et les projets d'établissement.

 

Un nouveau chapitre de l'histoire est à dater à partir de 1989. Le monde est concerné, l'Europe tout particulièrement. Plus que jamais, l'Europe est en mouvement. Nous devons nous garder de ne considérer que l'Union européenne avec ses 15 pays actuels. Le Conseil de l'Europe, ce sont 40 pays, auxquels 7 autres doivent s'ajouter prochainement en ce qui concerne l'éducation, alors que l'on compte 50 états européens.

Entre une Europe de l'Ouest qui se prend pour le "modèle" et qui pense que l'autre Europe devrait lui ressembler pour pouvoir la rejoindre, quelle solidarité, quel destin, quel avenir ? Ne pas kidnapper l'Europe au profit de l'Occident.

 

N'oublions pas que nous sommes redevenus un continent. Il faut faire une "conversion" de notre regard car les jeunes vont vivre dans ce continent entier et non seulement dans l'Union européenne. Les échanges ont commencé, il est temps de prendre le poids de peuples aussi divers... qui par la Sibérie rejoignent l'aire Pacifique.

Comment gérer toute cette diversité de peuples et de cultures ? Par le repli sur soi, en retournant à ses racines ?

 

Cette réaction n'a pas obligatoirement à voir avec l'isolement des cultures, Dans un contexte de mondialisation, n'est-ce pas un moyen de se faire reconnaître par les autres ? "Puisqu'on se rencontre, reconnaissez-moi !". Les diversités ne constituent pas obligatoirement des cloisonnements. Plus les personnes se rencontrent, plus elles se font reconnaître avec leur spécificité afin d'échapper au "rouleau compresseur' de la mondialisation.

 

Que vont faire les Européens de leur patrimoine culturel varié ? Quelle place veut tenir l'Europe dans le "village-monde" ? Que veut-elle dire face aux USA ou au Japon ? D'aucuns estiment qu'elle représente le passé.

Il y a aussi un discours optimiste. L'Europe n'a-t-elle pas quelque chose à dire sur le plan social, en prônant un libéra­lisme compensé face au libéralisme sauvage ? N'y a-t-il pas une tradition humaniste dans de nombreux pays européens ?

Un orateur américain qui affirmait qu'il suffisait de 15% d'une promotion pour "faire tourner" la vie américaine, et auquel il était demandé ce qu'il advenait des 85% restants, avait cette réponse évidente : il faut les occuper ! Telle n'est pas la mentalité de l'Europe : la majorité doit trouver sa place. Il faut limiter le nombre des laissés pour compte. Mais l'Europe saura-t-elle trouver une alternative au libéralisme sauvage ? Les générations qui viennent auront-elles la volonté et la capacité de proposer cette alternative humaniste ? Comment les y préparons-nous ? De quel poids serait l'Afrique dans un monde géré par le libéralisme sauvage ?

 

Le nord-sud, qui a remplacé le est-ouest, est une notion poreuse : Il y a du nord dans le sud et du sud dans le nord. L'Europe n'y échappe pas, ce qui demande de réfléchir à toute l'Europe et à sa complexité.

Il nous faut oser une pédagogie de l'interculturel plus riche que celle qui se déploie dans l'homogénéité. Il est également indispensable d'envisager le rapport entre les religions. Ainsi, en Alsace, l'islam n'est pas une religion prise en compte par les textes de la situation concordataire. Vis-à-vis de la formation des jeunes, ces questions ne peuvent être évacuées.

La liesse et la joie de 1989 n'ont pas survécu aux difficultés rencontrées. Certains pays de l'Est ont même fait appel aux « anciens » parce que la rencontre avec l'ouest a été une déception. Si cette autre Europe ne représente qu'un marché potentiel, ce sera la guerre économique que nous déclencherons dans ces pays. Telle n'est pas leur attente. « Nous allons droit à la catastrophe, serons-nous capables de partager ? » (V. Havel)

 

La notion de l'Union européenne a bien changé depuis que le monde bipolaire a éclaté en 1989. Notre vision de l'Europe et la formation des jeunes ne peuvent ignorer ces bouleversements. Ne sont-ils pas de nature à nous permettre de redécouvrir notre culture pour mieux comprendre celle des autres sans préjugé de supériorité ?

 

Le Père Caffin poursuit son intervention en présentant quelques dossiers traités au Conseil de l'Europe.

 

a Études secondaires

Ce travail est achevé et disponible. Il fait le bilan par pays, s'interroge sur la formation de l'intelligence, sur la défini­tion de la culture générale ou sur l'évaluation.

b Éducation à la citoyenneté démocratique Travail en cours. Que veut dire la citoyenneté démocratique ? Quelles sont les modalités de formation des jeunes et des enseignants ?

c L'enseignement de l'histoire du XXe siècle

Travail en cours. La cheville ouvrière de la citoyenneté, c'est la mémoire. Comment enseigne-t-on les grands événements? Comment les autres pays enseignent-ils l'histoire ?

 

L'intervenant conclut par quelques remarques sur des notions importantes :

 

a "Quelles valeurs " ? Pourquoi parler de ce mot magique ?

Le recours aux valeurs manifeste une panique : sur quoi fondons-nous notre éducation ? Le Conseil de l'Europe ne se "mouille" pas. Il met des garde-fous, mais ne s'occupe pas de la route, de l'horizon. Il y a pourtant nécessité à nourrir le débat intérieur de chacun, pour nous et nos élèves. L'intériorité fonde les choix tout au long de la vie.

b L'inter culturel

C'est la richesse de l'éducation. Pas d'inter culturalité sans connaissance de sa culture. Entrer dans la logique de l'interculturel, c'est découvrir qu'il existe des logiques différentes.

c L’inter religieux

La confrontation avec l'islam en Europe a fait sortir le religieux du domaine privé : qu'est-ce que le fait religieux en Europe ? Comment va se nouer le dialogue entre les religions pour que la paix soit envisageable ?

 

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