Colloque 3 /4 octobre 2007

(Université Marc Bloch et Conseil de l’Europe à Strasbourg)

 

Cohésion Sociale dans une Europe multiculturelle : Rôle et impact des courants de pensée et des religions.

 

I - Conférence

 

Salle Pasteur de l’université Marc Bloch Palais Universitaire.

 

Thème :

 

Convictions et Cohésion Sociale en Europe

 

Actions menées pour favoriser la cohésion sociale en Europe, prenant en compte la légitimité des identités culturelles, religieuses et philosophiques, et les risques de communautarisme qui peuvent en résulter.

 

Le président : Mr François Becker, Co-secrétaire du Réseau Européen Eglises et libertés.

Les intervenants :

-         Gilda Farrell : Chef de la division pour le développement et la cohésion sociale du conseil de l’Europe ;

-         Mr Gabriel Nissim : Président du Regroupement des Droits de l’Homme à la Conférence des OING au Conseil de l’Europe ;

-         Mr Allal Tewfik : Président du Manifeste des Libertés ;

ont présenté :

Les actions menées et à mener pour favoriser la cohésion sociale en Europe : légitimité des identités culturelles, religieuses et philosophiques et risques de communautarisme.

 

II - Conseil de l’Europe

Intervenants :

Session I :

Eric Favey : Secrétaire national de la Ligue de l’enseignement et de la culture sur : « Communautarisme, individualisme, comment faire société ».

Hanne Stinson : Directrice de British Humanist Association sur : « Les limites du multiculturalisme au Royaume Uni ».

Gérard Warenghem (Partenia 2000) sur : « Vivre ensemble entre élèves et parents de différentes cultures ».

Session II :

Alain Mouchoux : Président du Regroupement Education et Culture à la Conférence des OING au Conseil de l’Europe sur : « Briser une barrière symbolique et culturelle dans la représentation de l’autre et de son histoire ».

Jean de Bruecker : Secrétaire adjoint du Centre d’action laïque de Belgique sur : « Briser la barrière socio-économique, retisser les liens sociaux, par une expérience de quartier en Communauté française de Belgique ».

Jean Claude Diallo : Responsable du Service des Immigrants à la Municipalité de Francfort sur : « Briser les barrières générées par des convictions différentes ».

Session III :

Bernard Quelquejeu : philosophe sur : « Les atouts des actions non-violents dans les conflits à fondement religieux ou conventionnel ».

Cherifa Kheddar : écrivaine, Présidente de l’association Djazairouna (Algérie) sur : « Briser les barrières générées par des convictions différentes : Témoignage d’une femme de conviction musulmane ».

Frederic Setadzo : pasteur à Eckwerheim France sur : « Briser les barrières générées par des convictions différentes : Vivre ensemble dans des activités partagées ».

Simone Böddeker : assistante scientifique au Département de recherche de l’Institut universitaire catholique de Rhénanie, Cologne sur : « Briser les barrières grâce à des médiateurs interculturels : Maison transculturelle et inter religieuse pour les femmes en Allemagne ».

 

·        Session I : Comment faire société : les enjeux.

Les tentatives pour construire la cohésion sociale à partir de la satisfaction des individualismes ou à partir des communautés sont vouées à l’échec comme l’expérience anglo-saxonne le montre. Le vivre ensemble de citoyens et citoyennes responsables se construit dans le respect des droits humains, indépendamment des convictions de chacun et de chacune.

La démarche est une démarche interconvictionnelle, ie. avec des groupes interreligieux, des athées et des agnostiques.

 

L’un des objectif du colloque est de mettre en évidence l’expérience quotidienne :

Comment briser les barrières sociales, économiques, conventionnelles et culturelles ?

Comment contribuer à la construction d’une Europe cohésive dans le respect de la démocratie et des Droits humains ?

Quelles sont les valeurs à partager, quelles sont les attitudes à adopter ?

Le 2ème objectif est le partage et la reconnaissance de l’autre.

Le 3ème objectif vise à ce qu’émergent des points communs et des valeurs partagées.

 

Donc : partager, s’enrichir les uns les autres des cultures et des pensées, des façons d’être, de façon à voir les autres sous d’autres aspects différents de ce que nous pensions connaître parfaitement.

 

Gilda Farrell insiste sur le fait qu’il est important de connaître l’autre, de voyager dans la culture , la religion de l’autre.

Nous avons une histoire, une capitalisation d’une certaine façon de vivre, nous avons institutionnalisé et construit notre vécu, maintenant il faut penser au problème de comment construire dans le futur une vie avec les autres, comment construire, institutionnaliser, capitaliser une société plurielle.

Chacun de nous pense que le voyage vers l’autre peut lui faire perdre sa propre identité, et on le perçoit comme une menace, cependant, il n’y aura pas d’accomplissement de notre identité sans ces voyages, car c’est seulement avec cette confrontation libératoire que nous pouvons vraiment nous reconnaître, tout en reconnaissant les autres.

 

Eric Favey

« Faire société » suppose de créer, entretenir et réunir les meilleures conditions pour l’association de chacun et de tous dans l’égalité des droits et des obligations, à la bonne marche de la société, à son amélioration, à l’émancipation continue de la personne, à la recherche d’une unité qui se fonde sur la diversité de son caractère multiculturel. La liberté de conscience et de penser constitue le cadre et l’objet de cette construction dans un monde d’une grande complexité produite par des mutations de nouveaux enjeux qu’il est fondamental de comprendre. En France la liberté de conscience s’appelle la laïcité, c’est à dire la condition de la libre et perpétuelle invention des valeurs qui nous fondent. Le cadre laïc de la société française c’est le fait que la loi protège la foi aussi longtemps que la foi ne prétend pas faire la loi.

Faire société aujourd’hui c’est construire et concevoir des politiques qui prennent en compte quatre composantes :

-         Il faut faire société plus longtemps parce que nous vivons plus longtemps (quatre générations au moins doivent trouver le moyen d’assurer leur solidarité en leur sein et au sein de la société).

-         La nécessité de faire société dans des espaces plus vastes que les espaces nationaux.

-         L’accélération et extension des réseaux d’information et de communication qui construisent l’essentiel de notre représentation du monde et des autres.

-         L’état d’avancement à la fois de la condition humaine, du genre humain et de sa pensée qui fait que nous avons acquis la propriété de détruire toute vie sur terre tout en étant créateur ayant le pouvoir de fabriquer du vivant par la maîtrise du génome humain.

 

Ce qui est en jeu pour faire société, pour faire une société qui renforce la cohésion sociale, c’est de faire coïncider la conscience que nous avons de nous même en tant qu’individu et celle que nous avons de nous tous comme collectivité politique fondée sur la citoyenneté démocratique et la justice sociale. Cette coïncidence n’est pas facile à trouver. Elle est chahutée par la montée des injustices, des peurs et la persistance d’inégalités profondes.

On ne fera pas société par un discours répressif sur l’immigration, par la gestion répressive de l’étranger ou la justification du lien familial par des tests ADN. On fera société en renouant avec l’émancipation face aux nouveaux obscurantismes, aux barbaries qui menacent, aux pensées formatées, aux dominations culturelles, en substituant à l’ordre des choses la volonté des humains, en renforçant et en renouant le sens de la volonté humaine, en traçant des voix nouvelles pour civiliser la mondialisation. Car ‘ Si le monde n’a absolument aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un Alice au Pays des Merveilles (Lewis Carroll).

 

Faire société au début du XXI siècle n’a pas grand chose à voir avec faire société il y a 50 ans.

Il faut faire preuve d’imagination, mais il y aussi quelques raisons de s’inquiéter tel l’individualisme et le risque communautaire invoqués comme périls pour faire société.

Il n’y a pas d’opposition entre individu et société il faut prendre les deux ensemble. Nous sommes à l’ère de l’individu mis constamment devant la nécessité de se constituer, de se justifier, de s’impliquer. L’individualisme se développe dans un univers de mobilité grandissante, mobilité dure pour les plus faibles et insupportable pour les assignés à résidence. Mais l’individu se fabrique aussi dans le dénigrement d’autrui, dans l’absence d’attention aux autres, dans le contournement des cadres politiques. Toute intégration est communautaire par un mécanisme simple de recherche de protection, on cherche le proche, le familier. Le fait de ne voir que des individus produit des ghettos sociaux. Pourquoi le souhait de se retrouver, de s’entraider serait-il dangereux pour la société ? Si une communauté devait se substituer aux règles démocratiques de la société, contester le droit et le cadre des institutions,... alors il faut s’opposer. Mais la république au contraire ne souffre-t-elle pas d’une insuffisance de communautés vivantes, ouvertes les unes aux autres, faisant vivre la diversité culturelle intégratrice et émancipatrice à la fois ?

Une société qui ne reconnaît que des citoyens est-elle incompatible avec la reconnaissance de leurs droits culturels ?

« On n’est soi-même que parmi les autres, on ne peut devenir un moi sans référence à ceux qui nous entourent » Charles Taylor. Il ne suffit pas d’être conscient de ce qui nous entoure, il faut en être acteur et avoir conscience de sa responsabilité individuelle et des responsabilités collectives qui s'imposent à tout membre de la collectivité.

Il faut donc combiner un individualisme conquis de haute lutte avec le sentiment d’appartenance à la communauté humaine.

Au sentiment d’être au monde il faut ajouter le sentiment d’être du monde, d’en constituer une des pièces agissantes dont nul ne peut contester les droits et la dignité, mais cette position nouvelle crée une nouvelle obligation : renouer avec l’idéal d’émancipation et reprendre confiance dans le progrès humain.

Chacun doit sentir que l’amélioration de sa condition est liée à l’amélioration collective de la condition de tous.

Nous avons souvent appris à l’école que « sa liberté s’arrête où commence celle des autres » mais ne peut-on pas plutôt dire que « ma liberté commence où commence celle des autres » Je dois travailler à rendre meilleure la condition des autres.

 

En conclusion, il faut travailler à quatre causes, qui sont des obligations de la démocratie :

n      La qualification démocratique des individus afin qu’ils soient réellement autonomes, solidaires et ouverts aux autres. Nous sommes sous outillés pour le niveau démocratique de notre société. Il nous faut atteindre une haute qualité démocratique. Nous avons de grands efforts à faire (tant dans le cadre des institutions publiques, du gouvernement, des états de l’espace européen et de l’initiative volontaire du citoyen par exemple dans le cadre associatif.)

n      La seconde cause semble être la réduction des inégalités, la lutte acharnée contre toutes les formes de discrimination et la traque à toutes les atteintes à la dignité des personnes. Pour y parvenir seule une politique de compensation peut le permettre donner plus à ceux qui ont le moins, car la pire des inégalités disait Aristote, consiste toujours à traiter de manière égale des choses inégales.

n      L’amélioration des cadres collectifs de délibération et de décision politiques et publiques : équilibre à trouver entre les pratiques de délégation, de participation et une place réelle enfin reconnue à la société civile.

n      Réhabilitation de l’action publique par un accès réel aux biens communs et aux services d’intérêt général et la préservation de la compétition marchande d’un certain nombre de ces biens communs : la culture, l’éducation, la solidarité, la santé, les écosystèmes et l’information.

 

·        Session II : Cohésion sociale briser les barrières

 

Les convictions philosophiques et/ou religieuses permettent-elles de briser (ou franchir) les barrières sociales, culturelles et convictionnelles ? Des expériences sont présentées par des témoins disant ce qu’ils font, pourquoi ils le font et ce que ces actions leur ont apporté.

 

·        Session III : Confrontation des convictions

 

Montrer la difficulté spécifique d’une société dans laquelle des convictions philosophiques et religieuses et des cultures différentes cohabitent et comment les conflits qui peuvent en résulter peuvent être surmontés.

 

·        Table Ronde

 

Riches de la diversité des origines de nos convictions, quelles valeurs et quelles attitudes partageons-nous pour vivre ensemble solidaires, libres et responsables ?

 

Sont intervenus : Vittorio Bellavite, professeur, Milan, membre du Réseau européen et de IMWAC : Recherche interconvictionnelle de valeurs pour l’Europe du 21ème siècle dans les mouvements de base.

Samia Labidi, écrivaine, Présidente de l’association d’Ailleurs ou d’Ici Mais Ensemble (AIME) : Quelles valeurs et quelles attitudes partageons-nous pour vivre ensemble solidaires, libres et responsables ?

Ulrich Bunjes ? (remplaçant Mme Battaini-Dragoni) : La dimension convictionnelle du dialogue interculturel d’après le Livre Blanc sur le dialogue interculturel.